Lorsqu'ils arrivèrent à destination, un large sourire illumina le visage du jeune sorcier. La pièce, divisée en deux espaces distincts, était spacieuse et très lumineuse. Malgré l'obscurité de la nuit, il se précipita vers les grandes baies vitrées, tel un enfant dans un zoo, qui se collerait à la vitre de la cage aux lions.
« C'est magnifique ! » s'exclama-t-il. « J'ai vraiment choisi la bonne caste ! »
Le lac et la forêt entourant le château s'offraient à ses yeux. Rapidement, l'idée d'un bain en pleine nuit – et non pas d'un bain de minuit ! – lors des beaux jours le traversa, ne se préoccupant pas un seul instant des créatures qui vivaient dans ces eaux profondes. Un sourire satisfait, presque béat, prit possession de ses lèvres. L'instant d'après, il se jeta déjà sur les différents canapés et sofas, bientôt rejoints par ses nouveaux amis, pour tester leur confort.
« Ah ouais, c'est le pied. » soupira-t-il d'aise.
Après quelques minutes d'exploration de l'autre salle, dans laquelle il repéra des bouquins qu'il ne tarderait pas à lire, il se dirigea vers ses bagages et sa petite chouette, répondant au doux nom d'Harmony.
« Salut Harmo', la journée a été longue pour toi je pense. »
Avec une grande délicatesse, il ouvrit la cage et plaça son bras dans l'ouverture de la porte, jusqu'à ce que la dame blanche vienne s'y poser. Il caressa doucement ses plumes ; elle sembla apprécier ce contact. Sebastian ne l'avait adoptée que depuis une semaine et pourtant, un lien de confiance s'était déjà établi entre eux. Il se consoliderait encore avec le temps.
Le jeune homme adorait les animaux, il leur trouvait des qualités dont beaucoup d'humains, de nos jours, étaient dénués. Il avait eu un chien dans sa jeunesse, mais la vieillesse avait fini par avoir raison de lui et ses parents avaient décidé de ne plus en reprendre. En intégrant cette école, il avait eu l'opportunité d'avoir un nouvel animal. S'il avait pu, il aurait choisi un chien. Il ne regrettait cependant pas son choix. Harmony se révélait être très affectueuse. Il avait été très surpris des espèces que les sorciers pouvaient posséder. Ce n'était pas dans une animalerie qu'il aurait trouvé une chouette. Ses parents n'avaient cependant pas posé de questions lorsqu'il l'avait vu revenir avec l'oiseau. Il faut dire que la relation qu'il entretenait avec eux avait bien changé. Ce n'était guère surprenant.
Après avoir déposé une dernière caresse sur le plumage du rapace, il se décida à le mettre dehors, pour qu'il profite de la liberté. Il ne comptait pas le laisser en cage, elle n'était qu'un moyen de transport. Il ne se faisait pas de souci quant au fait qu'elle allait revenir. Il la regarda s'éloigner dans la nuit, avant de rejoindre la chambre qui lui avait été attribué, dans laquelle il retrouva l'un des trois sorciers qui avait partagé sa soirée. Un autre garçon s'y trouvait déjà mais semblait dormir. Dommage que Sebastian le remarqua un peu tardivement, puisqu'il avait lâché ses valises sans ménagement, sous le regard amusé de son camarade.
« Oups... »
D'abord motivé à ranger ses affaires, il prit la sage décision d'attendre le lendemain. Il avait fait suffisamment de bruit comme ça. Il se prépara, cette fois-ci dans une grande discrétion, avant de rejoindre les couvertures pour sa première nuit dans son nouveau repère. Première nuit qu'il passait loin de sa famille. Ce qu'on peut affirmer, c'est qu'elle n'avait pas été reposante. Malgré qu'une nouvelle vie commençait, avec de nouvelles opportunités et rencontres, qu'il refoulait la culpabilité qui l'assiégeait, il avait été envahi de pensées négatives. Son admission dans cette école était à présent concrète, elle n'était plus imaginée, alors il n'était guère surprenant que son esprit en soit chamboulé temporairement, quand bien même il faisait tout pour oublier. Mais c'était mieux ainsi. Ses parents avaient suffisamment à gérer, entre un fils à présent handicapé et lycanthrope, et la rancœur ressentie pour l'autre. Leur manquait-il ? Peut-être. Ce dont il était cependant certain, c'est qu'il ne manquerait pas à Jonas.
Pourtant, ce n'est pas ce à quoi il pensait. Il songeait à sa condition soumise à l'influence de la lune, au danger qu'il pourrait représenter pour les autres, à un avenir qui le poussait vers le haut mais sans qu'il ne sache de quoi il était fait. Ce n'est que lorsque ses yeux se fermaient qu'il voyait défiler les merveilleux moments passés avec son frère, qui s'assombrissaient peu à peu, jusqu'à ce qu'il revoit l'attaque, celle dont il était l'auteur, et qu'il se réveille en sursaut. Puis à nouveau, il se retrouvait en proie à de multiples questions, il fermait les yeux, avant de les rouvrir brutalement alors qu'il sombrait dans les ténèbres.
Il avait dû dormir deux heures, ou trois. Cependant, au réveil, il se montra de bonne humeur, plein d'énergie. La compagnie des autres l'empêcha de replonger dans l'obscurité. Comme souvent. Les relations aux autres, qu'on soit moldu ou sorcier, étaient essentielles, sauf dans les esprits les plus détraqués. Mais si avant il aimait la compagnie des autres pour les sentiments qu'elle procurait, il l'aimait aujourd'hui davantage pour ceux qu'elle empêchait de s'exprimer. Et ce n'était pas de bonnes raisons. Ce n'était pas de l'hypocrisie, loin de là, il ne ferait pas semblant d'apprécier quelqu'un qui l'exaspérerait – même pour quelqu'un comme lui, c'était possible – mais c'était, en un sens, utiliser autrui. Il n'en avait absolument pas conscience et ce n'était pas son objectif. Il ne parvenait toutefois pas à agir différemment. Il avait besoin d'être entouré, nourrissant ainsi son déni. Quoique déni n'était peut-être pas le terme le plus approprié, il était tout à fait conscient de ce qu'il avait, de ce qu'il inspirait à présent aux siens, mais refusait d'y penser. Pourrait-il un jour passer au-dessus alors qu'il refusait d'affronter cette réalité ? Cela serait difficile, voire impossible. Encore plus du fait qu'à chaque pleine lune, il redevenait cet être sans foi ni loi, ce monstre qui lui rappelait sans cesse ses actes passés. Qui lui faisait craindre ses actes futurs. Car malheureusement, même s'il s'en doutait, il apprendrait bientôt que la lycanthropie était une malédiction dont on ne pouvait se débarrasser. Il existait une potion qui pourrait l'aider, mais elle était rare, s'en procurer ne serait pas chose aisée et il ne pourrait pas en avoir de façon systématique. Il devrait subir, serait peut-être attaché et enfermé le temps qu'il redevienne lui-même. Car oui, s'il ne comptait pas dévoiler son secret à ses camarades, pas même à ses professeurs, il le ferait au moins à la directrice. Il sentait qu'il pouvait lui faire confiance, et au pire, tant pis. La vie d'autrui lui importait plus que la sienne. Autant le jugement des autres lui était égal sur de nombreux points, autant il craignait plus que tout – ou presque – de finir en paria. Mais entre cette option et celle de sauver des vies, son choix était vite fait. Il ne voulait plus commettre l'erreur qui avait coûté un bras et un rêve à son frère, et qui avait failli lui coûter la vie, en gardant ce secret. Probablement que si ce dernier n'avait pas survécu, Sebastian aurait fini par refaire une tentative de suicide tôt ou tard, même si après avoir été sauvé par sa magie, ou puni selon les points de vue, il s'était convaincu que c'était un signe. Il n'était pas sûr qu'il parvienne à vivre avec la mort de quelqu'un sur la conscience.
Après s'être préparé, s'habillant avec des vêtements qui n'étaient pas vraiment assortis, il rejoignit la salle aux Trois Cascades pour le petit déjeuner. Bien qu'il s'agissait du premier repas de la journée, le buffet était tout aussi fourni que celui de la veille. Ses mains se baladaient de panier en panier, hésitantes tellement il y avait de choix. Au niveau des boissons, il n'était pas en reste non plus. Chocolat en poudre, lait, thé, tisane, café, jus de citrouille, jus de fruits, … Il opta pour un chocolat chaud. Avant de partir, il se servit un verre d'une boisson qu'il ne connaissait pas. Il la trouva délicieuse, au point qu'il en emporta une bouteille, voyant d'autres camarades faire de même. Il faut dire qu'il y en avait bien assez. Il décida également d'emporter des viennoiseries dans son sac, qu'il partagerait avec quelques-uns de ses camarades. Ou beaucoup d'entre eux. Son sac était tellement blindé qu'il n'y avait plus de place pour la bouteille. Haussant les épaules, il la garda en main et se mit en route pour atteindre la salle où se déroulerait son premier cours qui n'était pas très loin. La salle de potions. Il ressentait une vive impatience à l'idée de découvrir cette matière, de concocter des élixirs, un peu comme il le faisait en cuisinant.
Arrivant à hauteur de la salle et remarquant l'absence du professeur, il se permit de boire une dernière gorgée, par gourmandise, tout en rejoignant la table où se trouvait son camarade de dortoir avec lequel il avait échangé la veille. Les yeux rivés vers le plafond, il en admira la profondeur et en fut si distrait qu'il trébucha contre le pied d'une table. Il se rattrapa de justesse, mais à cause de son acrobatie, il projeta la boisson sur l'un de ses camarades, qu'il crut reconnaître comme étant son autre camarade de chambre, et sur ses affaires. Les élèves présents se mirent à rire, autant pour cette chute évitée que pour la malchance du sorcier aux cheveux blonds. Gêné, Sebastian passa une main dans ses cheveux et s'exclama, riant maladroitement :
« Je suis vraiment désolé... J'ai eu le réflexe de me rattraper mais j'en ai oublié la bouteille. »
Il se pinça les lèvres, avant d'ajouter :
« Mais cette boisson est excellente, tu dégageras une bonne odeur pour le reste de la journée ! » rit-il. « Enfin, ce n'est pas que t'en avais besoin je te rassure... »
Quelques élèves pouffèrent de rire. Pourtant, bien que cela en avait l'air par le ton qu'il avait employé et par son sourire, il ne s'agissait pas d'une moquerie. Sebastian était de ces êtres étranges, qui pouvaient sortir des discours presque philosophiques, et qui, dans d'autres circonstances, pouvaient faire preuve d'une grande maladresse dans le choix de leurs mots.